Cycle culturel de l'AFM2R : rencontre inaugurale. Regard de l'ingénu


Cycle culturel de l'AFM2R : rencontre inaugurale.

France 2015 et valeurs républicaines : quelles perspectives?

Le regard de l’ingénu

Par Omar BOUTEGLIFINE

http://www.afm2r.org/2015/06/1ere-edition-cycle-culturel-afm2r-le.html

 

Mesdames et Messieurs,

Je suis très honoré par l’invitation de l’Association Franco-marocaine des deux rives à participer à cette rencontre autour d’un thème qui a toute sa signification « France 2015 et valeurs républicaines : quelles perspectives ? ».

En 2015, la France a connu des événements tragiques, qui nous ont tous frustré et horrifié même en dehors du territoire français voire européen !

Des débats ont été alors lancés ici et là pour comprendre ce qui s’est passé, certains stigmatisent ou accusent, d’autres concilient, raisonnent et prêchent la tolérance, bref un amalgame s’installe et résulte tout simplement d’un manque de communication, de partage et de plateformes de réflexion pour une meilleure connaissance de l’autre.

L’initiative de l’AFM2R s’inscrit dans les valeurs de la république en répondant à ce besoin de communiquer en toute liberté, de discuter en quoi on est différent pour aller vers l’égalité en droits et devoirs, d’aider et de cultiver le bien-être des citoyens dans le sens d’une véritable fraternité.

Venant du Maroc où la tolérance est ancestrale, et particulièrement de la ville d’Agadir où le concert de la tolérance est annuel, je considère que l’activité d’aujourd’hui contribue à une France forte et unie où la différence est une richesse plutôt qu’une division.

Nous sommes dans une ère où les pays ne se limitent plus aux frontières géographiques, la limite d’un pays est celle de son rayonnement culturel avec ses valeurs universelles, la compétence de ses citoyens, la puissance de son économie et surtout la fierté qu’expriment ses citoyens en portant sa nationalité.

J’ai écouté avec attention tous les intervenants,

1)      Mr Abdellatif CHAMSDINE, président de l’AF2R et homme de lettres dont les mots prononcés ont toutes leurs significations a commencé par souhaiter la bienvenue aux personnes invitées : M. Didier VAILLANT, président de la communauté d’agglomération du Val de France, M. le Député-Maire de Gonesse, Jean-Pierre BLAZY, Mme la Conseillère départementale, Djida TECHTACH, M. le Consul général de Paris, El Ouafi BOUKILI, M. le Conseiller municipal de Gonesse, Abdelmajid ABCHAR, et de nombreux autres élus et personnalités intellectuelles ainsi que l’ensemble des conférenciers, des poètes et des artistes présents.

Mr CHAMSDINE a expliqué la raison d’être de cette édition en précisant que l’esprit dans lequel s’organise cette rencontre est la lutte contre la manipulation et l’amalgame qui fonctionne dans les deux sens. Il a rendu hommage à une France qui n’est pas raciste et à une communauté musulmane qui n’est pas terroriste. Il signale que vivre ensemble n’est pas une utopie et compte sur la volonté des gens qui réfléchissent dans les deux bords pour rassembler et lutter contre le radicalisme et l’extrémisme.   

 

2)       La parole est donnée à Mr Jean-Pierre BLAZY, Député-maire de Gonesse qui a repris les mots du Président de l’AFM2R pour la recherche de démarches pour lutter et agir contre les amalgames et les stigmatisations en France et ailleurs. Mr le Député-maire a mis en relief le travail d’éducation pour combattre les actions violentes en associant tous les acteurs. Il a annoncé l’arrêt d’un plan d’actions d’ensemble sur les valeurs républicaines qui sera engagé au sein même des écoles à partir de la rentrée scolaire prochaine. Il a également souligné le rôle de la société civile dans la transmission de ces valeurs en saluant les actions de l’AFM2R dans ce sens.

Mr BLAZY qui a rappelé que dans cette commune située à la banlieue nord de Paris, il y a une population de différentes origines qui a en commun cette fameuse nécessité de vivre ensemble, reconnait qu’on parle beaucoup de radicalisme islamique mais il a également précisé que les formes de radicalisation religieuse existaient dans l’histoire en France depuis bien longtemps en faisant allusion à l’intégrisme juif et l’intégrisme la religion catholique dominante qui s’est notamment opposé à la loi de 1905 sur la laïcité.

Mr BLAZY a terminé son allocution en appelant à débattre pour ne pas se battre !

 

3)      Mme Ilham MOUSTACHIR, riche en compétences dans divers domaines socio-économiques, nous a épatés avec cette idée d’insertion par l’économique.  Elle a mis l’accent sur les perspectives d’emploi dans le Val-de-France avec le projet pôle urbain face à la fragilité économique et la précarité publique. Elle préconise la mobilité, l’élargissement des choix professionnels, la coordination de  nombreuses structures existantes et l’usage de la technologie pour consulter les offres d’emploi.

Mme MOUSTACHIR, tout en soulevant des chiffres alarmants quant au taux de chômage, de population sans diplômes et des personnes en dessous du seuil de pauvreté, elle a par ailleurs insisté sur des stratégies école/emploi pour des formations qualifiantes et sur le rôle des associations intermédiaires. 

Certes, le manque d’emploi, le chômage à longue durée et le rejet social sont incontestablement les causes de dépressions qui conduisent les citoyens, toutes souches confondues, au désespoir et à l’extrémisme.

Au Maroc, Moukawalati est un programme gouvernemental qui vise à encourager la création de très petites entreprises et assurer l’accompagnement des porteurs de projets de première création. Il vise l’identification et le renforcement des capacités entrepreneuriales des participants à travers une méthodologie de faire faire, et un apprentissage dans l’action. Sauf que la précarité publique soulevée par Mme MOUSTACHIR fait que ce programme est voué à l’échec ce qui a poussé l'Agence nationale de promotion de l'emploi et des compétences (ANAPEC) à lancer d’autres programmes comme le programme TAEHIL en deux mesures concrètes « la formation contractualisée pour l’emploi » et « la formation qualifiante ou de reconversion » , ou le programme IDMAJ qui porte  sur  l’emploi  salarié  en  général  (Contrats  de  Droit Commun  et  Contrats  d’Insertion  avec  leurs  spécificités)  et  cible  aussi  bien l’accompagnement de l’entreprise dans l’identification et la satisfaction de ses besoins en compétences que l’insertion des chercheurs d’emploi dans la vie active.

Partout dans le monde, beaucoup de jeunes et moins jeunes trouvent des difficultés à trouver un emploi. Cette situation est même montrée du doigt dans l’échec scolaire dont souffre un grand nombre de familles, on entend souvent des propos genre : « nous avons déjà un licencié sans emploi à la maison, pourquoi donc continuer à former des prochains chômeurs en laissant longtemps les enfants à l’école? ». Certes, les chercheurs d’emploi possèdent bien des compétences qui s’adaptent à un certain secteur du marché de l’emploi. Le recrutement se fait lorsque le besoin de l’entreprise coïncide avec la demande d’emploi selon le besoin exprimé.

Si l’entreprise sait orienter son activité vers les besoins du marché, le demandeur d’emploi doit également savoir s’adapter aux offres d’emplois existantes, c’est la notion de conversion des compétences ou reconversion si le demandeur a déjà exercé une activité. Il s’agit donc d’orienter les capacités du demandeur d’emploi vers un autre registre que celui dans lequel elles étaient initialement investies.

Accompagnement et préparation professionnelle individuelle, développement de carrière et de potentiel, définition de projet personnel et professionnel, choix d'études et de formation, transitions professionnelles, orientation et réorientation de carrière, préparation et accompagnement de la reconversion, recherche d'emploi, préparation aux entretiens de recrutement et négociations, intégration et prise de fonction sont les mots clés d’une stratégie fiable à mon sens pour diminuer le taux de chômage dans un pays.

 

4)      Notre Maître de conférences à  l’Université de Lorraine et à Sciences-Po-Paris, M.Nejmeddine KHALFALLAH, a longtemps travaillé sur les rapports entre la pensée, la langue et les sociétés arabes contemporaines. Il était convenu qu’il  remonte le temps pour nous parler de l’histoire des religions. C’est à la fois un arrêt sur la genèse et l’épistémologie de ces concepts qu’on ne connait pas assez bien et qu’on interprète comme bon nous semble et on finit par des amalgames, mais Mr KHALFALLAH a donné plus d’intérêt aux valeurs ce qui est également un choix judicieux en regard des circonstances.

Il signale, tout au début de son intervention, la concordance des valeurs de la république et la religion et ne trouve aucune contradiction des ressources axiologiques dans les deux sens. Il a ciblé quelques versets coraniques et des extraits du « Hadith » comme arguments forts à cette similarité des valeurs fondamentales de la charte républicaine. Le conférencier a été interpelé sur des questions sensibles comme celle de l’économie islamique qu’il a su convertir en sources d’épanouissement des humains. Il recommande des démarches religieuses pour l’entraide et la tolérance.

En lisant un certain nombre de récits et de littérature religieuse, je voudrais m’arrêter à mon tour sur ce qui rassemble et différencie les religions monothéistes, afin de se connaître, croyants et non-croyants, pour mieux se comprendre et s’accepter mutuellement. Un document proposé aux classes de secondes illustre bien les éléments caractéristiques du Judaïsme, du Christianisme et de l’Islam. Si ces trois religions diffèrent sur l’époque où chacune est apparue et sur les textes les concernant, elles ne diffèrent pas pour autant à mon avis sur le fond ni sur le but pour lequel chacune a été pratiquée. Les textes religieux sont emboités et chaque texte reconnait son prédécesseur, et les musulmans considèrent également Ibrahim (Abraham) et Aissa (Jésus) comme leurs prophètes en attestant à chaque prière qu’il n’y a pas de Dieu qu’Allah et que Mohamed (Mahomet) est l’envoyé d’Allah.

Ainsi, les cinq piliers de l’Islam renferment déjà les dix commandements et œuvrent pour l’adoration d’un Dieu unique (« Tu n'auras pas d'autres dieux devant ma face » en lisant le premier commandement,  ou   « J'atteste qu'il n'est de Dieu qu’Allah et j'atteste que Mohammed est l'envoyé de Dieu » en lisant la profession de foi).

C’est en expliquant la convergence des religions qu’on arrivera à s’aimer, à se respecter et à s’accepter.

 

5)      Mr Abdellah BEN MLIH, Docteur d’Etat en sciences politiques (Panthéon-Sorbonne), auteur de plusieurs ouvrages sur le Maroc et consultant international, a traité la «mémoire commune et identités». Au départ, il s’est posé quelques questions : Quelle place de cette mémoire dans les sciences humaines ? Quel est le sens du concept ? Quelle mémoire commune Maroc/France ? Pourquoi les identités (au pluriel !) ? Question à propos de la citoyenneté.

Le conférencier a fait un tour d’horizon sur la colonisation des pays du Maghreb en distinguant le cas du Maroc et en citant certains faits historiques ayant marqué la mémoire sans trop parler des identités. C’est en effet ces identités que beaucoup de jeunes n’arrivent pas à définir au sein d’une double mémoire plutôt que d’une mémoire commune. En faisant référence à la jeunesse franco/marocaine, je me suis posé la question sur la nature de ces identités car vivant en France, les jeunes sont des marocains (donc des étrangers) et en revenant au Maroc ils trouvent des difficultés à s’intégrer (donc également étrangers !). Il appartient donc à la société civile, et en l’occurrence à l’AFM2R, d’accompagner ces jeunes binationaux pour faire valoir leurs droits de citoyens français en France, et de profiter de leur nationalité marocaine pour établir plus d’échanges entre le Maroc et la France pour l’intérêt des deux peuples. Quant à l’histoire, tout le monde sait qu’elle est subjective et appartient à celui qui l’a écrite. La vérité historique qui permet de fonder la mémoire commune nécessite l’ouverture de toutes les archives en confrontant les écrits et en menant des recherches étatiques ou universitaires sur le positif et le négatif. L’histoire enseignée répond plus à la politique de l’éducation qu’à la réalité historique.

Il y a certainement des séquelles de la colonisation qui continuent d’ailleurs avec le néocolonialisme linguistique, économique et politique, … Mais lesmarocains ne sont pas rancuniers, il n’y a pas eu de revendications pour réparer les stigmates du colonialisme comme certains pays ont fait en demandant une indemnisation matérielle et économique ! Cependant, le Maroc est morcelé, partagé entre la France et l’Espagne, l’intégrité territoriale n’est pas encore achevée !

 Je rappelle enfin que plusieurs congrès au sujet de la mémoire commune ainsi que des tables rondes autour des questions identitaires ont eu lieu au Maroc dont la vision est plus tournée vers l’avenir que vers le passé. C’est pourquoi, je recommande à mes compatriotes franco-marocains ainsi qu’au français de souche de puiser dans l’histoire, en particulier dans la mémoire commune et dans les religions, le positif qui renforcent et unifient le peuple français avec ses richesses plurielles linguistiques, ethniques, culturelles et autres en se méfiant de toute manipulation ou division quelque soit son origine.

Je vous remercie